Bannière

[ Inscrivez-vous ]

Newsletter, Alertes

Fraude, répression, morts : au Cameroun, la dictature réprime avec la bénédiction discrète de la France (Survie)

PDF

LIBREVILLE, 30 octobre (Infosplusgabon) - Le Conseil constitutionnel camerounais a, sans surprise, annoncé le lundi 27 octobre, la « victoire » du dictateur Paul Biya avec plus de 53 % des voix, tandis que son ancien ministre passé à l’opposition, Issa Tchiroma Bakary, n’est crédité que de 35,19 %, après que le principal opposant, Maurice Kamto a été interdit de se présenter.

 

La fraude électorale érigée en système depuis quatre décennies est organisée par Elecam, l’organisme chargé de superviser le processus électoral, et validée par un Conseil constitutionnel lui aussi totalement inféodé au pouvoir. Paul Biya, âgé de 92 ans, gère par procuration un pays appauvri, mis en coupe réglée par une classe politique vieillissante et prédatrice, et déchiré par une guerre civile. Depuis 2017, dans le plus grand silence, les régions anglophones subissent en effet une répression aveugle, alimentée entre autres par des livraisons d’armes françaises.

Avant même l’annonce des résultats officiels, la police et l’armée ont commencé à réprimer brutalement les mobilisations populaires contre cet énième hold-up électoral, notamment à Douala et Garoua. Des chars ont été déployés et on compte déjà plusieurs morts en plus de nombreuses arrestations.

L'Union européenne a "déploré" les morts de civils et "invité" les autorités camerounaises "à identifier les responsables, à faire preuve de transparence et à faire justice afin de lutter contre le recours excessif à la violence et les violations des droits humains".  Un vocabulaire encore une fois timoré, qui minore la situation sur place.

Le 29 octobre, le président de la Commission de l’Union africaine, Mahamoud Ali Youssouf, a félicité Paul Biya et a appelé au dialogue tout en se disant « vivement préoccupé par les violences, la répression et les arrestations signalées de manifestants et d’acteurs politiques suite aux résultats des élections ».

Les ambassadeurs des pays occidentaux se sont simplement abstenus de se rendre à l'investiture de Biya. Le 29 octobre, le ministère français des Affaires étrangères a pudiquement condamné la répression et la mort de civils, mais en appelant « tous les acteurs à la retenue et à un dialogue constructif », comme s'il n'y avait pas eu une énième confiscation électorale et comme si les victimes de la répression étaient responsables de leur sort.. Surtout, alors même que ce scénario était écrit d’avance, Emmanuel Macron n’avait pas ménagé ses efforts pour donner préalablement des gages à la dictature de Paul Biya.

 

"Renforcer la relation étroite qui unit la France et le Cameroun"

En février, les deux présidents s’étaient « félicités de la qualité des travaux menés par la Commission mixte franco-camerounaise pluridisciplinaire sur le rôle et l'engagement de la France au Cameroun dans la lutte contre les mouvements indépendantistes et d'opposition entre 1945 et 1971 ». La remise du rapport par l'historienne Karine Ramondy,  successivement au président Emmanuel Macron, au palais de l’Élysée, et à son homologue Paul Biya, au palais d’Étoudi, à Yaoundé, avait permis au président camerounais de se poser en promoteur d’une histoire nationale émancipée, alors qu’il est précisément l’héritier direct du régime mis en place pendant la guerre menée par la France contre les indépendantistes camerounais pendant la période dite de "décolonisation".

Une lettre personnelle adressée fin juillet 2025 par Emmanuel Macron à Paul Biya a renforcé cette démarche. Les travaux de la commission Ramondy, écrivait le président, « permettront de continuer à bâtir l'avenir ensemble [et] de renforcer la relation étroite qui unit la France et le Cameroun ».

En juin, c’est le général Hubert Bonneau, commandant de la Gendarmerie nationale française, qui se rendait en visite officielle de deux jours au Cameroun pour renforcer les relations sécuritaires entre les deux pays. Cette visite marque « une nouvelle étape dans le renforcement des relations sécuritaires entre les deux États », assurait alors le mensuel Jeune Afrique. Quatre mois seulement avant les élections, le patron de la gendarmerie française n’avait pas manqué de visiter et féliciter ceux qui mènent aujourd’hui la répression post-électorale.

Fin août, c’est l’ambassadeur de France au Cameroun, Thierry Marchand, qui était reçu en audience par Paul Biya pour un entretien « cordial et dense » visant à « réaffirmer les liens de confiance et de coopération mutuellement bénéfique entre le Cameroun et la France », selon le communiqué officiel.

Comment ne pas lire dans ces différentes initiatives un blanc-seing accordé par la France au massacre post-électoral alors en préparation ?

Il s’agit de garder les meilleures relations possibles avec la dictature camerounaise, avec l’espoir de peser dans la guerre de succession qui s’annonce vu le grand âge de l’autocrate, pour protéger les intérêts encore importants de quelques entreprises françaises dans le pays, comme Orange, Bolloré, Perenco, Castel, Vinci, Bouygues, pour ne citer que les principales.

L'attitude des autorités françaises témoigne d'une profonde incompréhension du rejet des peuples africains pour la politique de la France, qui a pourtant déjà conduit au départ contraint de l'armée française dans les pays du Sahel.

L’association Survie demande :

 

- La fin immédiate de la coopération militaire française avec les forces de répression du pouvoir camerounais.

- L'interdiction de voyager en France pour les personnalités proches du pouvoir, hors attributions diplomatiques, et le gel des avoirs bancaires et immobiliers en France des personnalités impliquées dans la fraude et la répression.

- La fin de l'instrumentalisation de l'histoire coloniale et néocoloniale de la France au Cameroun et l'ouverture d'un processus de justice et de réparation pour les crimes commis par l'armée française.

 

FIN/INFOSPLUSGABON/PTY/GABON2025

 

© Copyright Infosplusgabon

Newsflash